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Création de la revue Liaison

December 10, 2014

Publiée depuis 1978, Liaison se veut la revue des arts et de la culture francophone en Ontario, en Acadie et dans l’Ouest canadien. Établie à Ottawa depuis sa création, elle est aujourd’hui publiée quatre fois par année par Les Éditions L’Interligne. Unique en son genre, elle traite la vie artistique francophone de ces régions et en souligne le dynamisme et l’originalité. Gardant au cœur de ses préoccupations le maintien d’une communauté artistique et culturelle bien vivante, la revue fait place aux artistes de tout domaine et assure aux lecteurs francophones en situation minoritaire au Canada un portrait artistique de leur communauté.

La première édition de la revue Liaison, 1978

La première édition de la revue Liaison, 1978

Les débuts de Liaison

La revue naît en pleine effervescence culturelle franco-ontarienne à la fin des années 1970. Une nouvelle prise de conscience se manifeste alors au sein de la communauté francophone de l’Ontario et l’émergence d’une pensée collective a besoin d’un moyen d’expression approprié : la revue en est le canal idéal. Le premier rédacteur en chef, Jean-Pierre Bégin, voit la nécessité d’informer sur les activités artistiques de l’Ontario, plus précisément sur le milieu théâtral. On souhaite aussi créer un espace où développer la pensée critique sur la pratique des arts et refléter l’évolution de ceux-ci dans la province.

Dès octobre 1978, les objectifs de la revue sont fixés. On écrit que «Liaison se veut l’outil qui permettra à l’Ontario francophone de se donner, par les mots, l’image de son présent, et de reconstruire son espace historique qu’il soit écrit libre, dramaturgie, regard critique, évolution théâtrale, etc. C’est dire que Liaison veut assurer par l’écrit un échange entre textes d’ici, textes d’ailleurs, textes miroirs de notre réalité, de notre vécu. Liaison veut susciter la présence de chacun à lui-même en l’invitant en premier lieu à se regarder et à se dire, puis en lui offrant la possibilité, par ses pages, de se communiquer à d’autres. Le but ultime est de catalyser l’échange entre tous. »

Le premier numéro (0,0) paraît en mai 1978, sous la forme d’un bulletin mensuel d’information pour l’organisme Théâtre-Action. D’ailleurs les trois premières années d’existence de Liaison sont subventionnées presqu’entièrement par Théâtre-Action. La revue évolue donc d’abord sous la tutelle de cet organisme, son contenu étant principalement axé sur l’information actuelle en théâtre, la critique théâtrale, l’historique de cet art scénique et un espace d’encouragement à la création, en plus de rapporter les récentes activités de Théâtre-Action. Enfin, certains extraits de poèmes ou de nouvelles littéraires paraissent dans Liaison avant leur publication par des maisons d’édition.

jeunes lecteurs de Liaison

De jeunes lecteurs de la revue Liaison à Ottawa, 1984. Source : Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds Les Éditions L’Interligne (C86), Ph167-3483.

Diversification du contenu et indépendance

Ayant toujours voulu rejoindre tous les artistes de tous les domaines, l’implication de Liaison déborde petit à petit le cadre du théâtre. Dans un communiqué de presse datant du 17 avril 1980, on écrit que « la réalité même de l’Ontario exigeait cette ouverture. » Étant le seul outil de diffusion artistique dans la province, la revue était « destiné[e] à et susceptible de rendre compte des autres formes d’expression artistique et culturelle. Après tout, les arts ne vivent pas et ne croissent pas isolés les uns des autres ». Des articles témoignant d’« autres » arts  deviennent par conséquent de plus en plus présents. En mai 1979, André Bourassa, alors professeur à l’Université d’Ottawa, signe par exemple un article critique sur la production littéraire de la maison d’édition franco-ontarienne Prise de Parole. La première critique cinématographique paraît dans le 8e numéro et propose une critique pluridisciplinaire portant sur le film de Jacques Ménard intitulé « CANO, note sur une expérience collective », qui se penche sur l’évolution du groupe musical CANO. En décembre 1980 paraît un numéro spécial sur la littérature et l’engagement puis, en août 1981, un article porte sur l’artiste-peintre Richard Lachapelle.

C’est en 1981, avec la parution de son 15e numéro soulignant son troisième anniversaire que Liaison devient autonome. Dans le but de ne pas se confiner au théâtre, on crée les Éditions l’Interligne pour assurer la publication de la revue. Les rédacteurs maintenant indépendants de Théâtre-Action se permettent d’accorder plus d’attention aux autres disciplines. Cette année-là, les objectifs touchent diverses formes d’expression artistique et culturelle : cinéma, arts visuels et audio-visuels, théâtre, littérature, musique, animation… C’est le mandat pluridisciplinaire que se fixe Denise Truax, directrice de 1979 à 1982 : faire de Liaison un instrument de communication et de développement au service de tous les artistes et de la communauté. En 1981, Liaison déclare avoir également comme objectif l’amélioration de la qualité de ses textes avec une rédaction davantage journalistique. On aspire aussi à une provincialisation, sollicitant les auteurs et chercheurs de tous les coins de l’Ontario pour faire part des activités régionales.

Nouvelle direction et nouvelles directions

André Bélanger et Fernan Carrière

André Bélanger et Fernan Carrière, rédacteur de la revue Liaison, 20 août 1983. Source : Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds Le Droit (C71), Ph92-D76/855.

D’un simple bulletin d’information et de promotion théâtrale, Liaison a donc beaucoup évolué au fil du temps. Les directeurs et directrices qui se sont succédé ont constamment remis en question les objectifs de la revue pour l’améliorer, avec un constant souci de transparence vis-à-vis de son lectorat, considéré comme un moteur important pour le dynamisme de la vie culturelle.

Le successeur de denise truax, Fernan Carrière, qui prend la relève en 1982, est convaincu que l’expression artistique et culturelle est intimement liée à la réalité politique. En conséquence, Liaison devient un outil d’affirmation socioculturelle et ses objectifs dépassent la simple promotion artistique. Dans un souci d’objectivité, Carrière s’attache également à développer l’esprit critique de la revue afin d’éviter de tomber dans la complaisance artistique. Il aspire à la création d’un journalisme culturel de qualité pour informer au mieux la communauté.

La revue subit un autre changement majeur en 1983, alors que sa fréquence passe de 6 à 4 numéros par an, afin de se concentrer sur la qualité de son contenu. À cette époque, Liaison porte fièrement le sceau du seul « organe d’information » sur la culture franco-ontarienne. On ressent toujours la volonté d’être porte-flambeau, la revue revendiquant même son « rôle capital et complémentaire à l’existence et au bien-être de la culture franco-ontarienne », essentiel au développement du sentiment d’appartenance de cette communauté.

La fin des années 1980 marque un tournant dans la vie artistique de l’Ontario français, puisque l’on assiste peu à peu à la professionnalisation des arts dans la province. C’est dans ce contexte que Paul-François Sylvestre arrive à la barre de la revue en 1987. Les institutions artistiques fleurissent (compagnies de théâtre, maisons d’édition, galeries d’arts, centres culturels, etc.) ce qui fournit à Liaison une matière suffisante pour que la revue se consacre entièrement à la vie artistique de l’Ontario français et offre aux artistes professionnels un espace d’échange. Sylvestre décide aussi de délaisser le caractère revendicateur de la revue pour en faire un médium de promotion purement artistique, au service des artistes :Liaison devient un outil de communication et de diffusion de l’art professionnel. Dans la lignée de ses prédécesseurs, pendant les dix années de son mandat, il soutiendra les artistes et la création et s’efforcera d’ouvrir le contenu de la revue à un maximum de domaines artistiques : littérature, musique, arts visuels, cinéma etc

Extrait d’un texte de l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, en partenariat avec le CRCCF. Lire le texte intégral ici.