Le Retour de Des Groseilliers et Radisson
février 4, 2015
En août 1659, un autre voyage ramène Médard Chouart Des Groseilliers, cette fois-ci en compagnie de son beau-frère Pierre-Esprit Radisson, dans la région des Grands Lacs. Ce voyage est reconnu pour avoir relancé le commerce des fourrures dans la région des Grands Lacs après la destruction de la Huronie. En 1667, passé en Angleterre à la suite de déboires avec les autorités françaises, Pierre-Esprit Radisson a rédigé, à l’intention des Anglais, le récit de ce voyage mémorable. Le texte original, dont le manuscrit s’est perdu, avait été traduit en anglais. Ce n’est que récemment, en 1999, que le texte a été traduit à nouveau pour retrouver sa langue d’origine.
Les deux explorateurs, ainsi que leurs compagnons autochtones doivent effectuer rapidement le trajet de Trois-Rivières au lac Nipissing, par la rivière des Outaouais. Les Iroquois, qui les attaquent en cours de route, sont à leurs trousses. Du lac Nipissing jusqu’à Sault-Sainte-Marie, en passant par la rivière des Français et le lac Huron (North Channel), les voyageurs peuvent prendre le temps de chasser, pêcher et faire la cueillette des fruits, ayant réussi à distancer l’ennemi. De Sault-Sainte-Marie, la direction sud et sud-ouest est ensuite empruntée (rive Sud du lac Supérieur). Les Français reprennent ainsi contact avec leurs alliés autochtones réfugiés en territoire Sioux pour échapper à la menace iroquoise. Des Groseilliers et Radisson passent ensuite, au printemps 1660, six semaines chez les Sioux, jusque-là à peu près inconnus des Blancs. La traversée du lac Supérieurconduit ensuite les voyageurs sur la rive Nord de cette « mer intérieure » et les place en contact avec les Cris. Le récit de leur voyage, écrit par Radisson en 1667, intercale à cet endroit un voyage à la baie d’Hudson par la rivière Albany. Malgré le grand intérêt que suscitent les témoignages de Pierre-Esprit Radisson, on croit généralement que cette partie de son récit relève de la fabulation, une mise en scène destinée à impressionner les Anglais pour les convaincre de fournir les fonds nécessaires à une « nouvelle » expédition vers la baie d’Hudson. Les deux explorateurs s’embarquent finalement pour un retour vers Montréal par la route de l’Outaouais, après avoir recueilli auprès des Cris des témoignages importants sur les territoires situés à l’Ouest du lac Supérieur.
Au printemps 1660, au retour de la région des Grands Lacs, accompagnés d’un nombre impressionnant d’Autochtones et les canots chargés de fourrures, Médard Chouart Des Groseilliers et Pierre-Esprit Radisson sont à même d’observer les vestiges de la célèbre bataille du Long-Sault. En effet, en mai 1660, 17 Français et une soixantaine de Hurons et d’Algonquins faisant partie d’une expédition militaire dirigée par Adam Dollard Des Ormeaux, commandant de la garnison du fort de Ville-Marie (Montréal), avaient projeté de tendre un piège aux Iroquois revenant de la chasse en territoire Outaouais. Les Iroquois les avaient surpris et attaqués au Long-Sault (écluses de Carillon). Après plusieurs jours de résistance, tous les Français ont perdu la vie et seuls quelques rescapés hurons ont pu témoigner de l’événement. Les Iroquois avaient également été tués en grand nombre, ce qui les a incité à quitter les lieux rapidement. Le chemin est donc libre pour Des Groseilliers et Radisson qui peuvent regagner Montréal sans encombre. Les Jésuites, encore une fois, attendent les voyageurs avec impatience et font grand cas du récit de leur expédition. Sans perdre de temps, le père René Ménard, premier missionnaire à ouvrer auprès des nations habitant au Sud du lac Supérieur, s’embarque en compagnie de sept traiteurs dans les canots autochtones qui remontent l’Outaouais après avoir escorté Des Groseilliers et Radisson. Pour ces derniers, le retour dans la colonie est marqué du sceau de la désillusion. Sous prétexte qu’ils étaient partis sans sa permission, le gouverneur Pierre de Voyer d’Argenson fait saisir leurs fourrures et emprisonner Des Groseilliers. L’épopée des deux hommes ne fait que commencer, mais ils ne reprennent jamais la route de l’Outaouais. C’est par le Nord qu’ils reviennent vers les Pays d’en haut (sur les bords de la baie d’Hudson), principalement pour le compte des Anglais et de la Hudson’s Bay Company.
– Tiré du Centre de recherche en civilisation canadienne-française