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Ce que pense les créateurs du drapeau franco-ontarien

septembre 28, 2015

Dans un entretien avec Gaétan Gervais, professeur émérite à l’Université Laurentienne figurant parmi les artisans de la genèse de ce drapeau, nous apprenons comment ces couleurs ont permis de fédérer une communauté pourtant dispersée à travers l’Ontario, depuis les Franco-Ontariens de l’Est le long de la frontière avec le Québec en passant par le Sud-Ouest de la province dans la région de Windsor et Welland, jusqu’aux peuplements historiques du Nord, et toutes les populations situées entre ces pôles.

« La création de ce drapeau répondait à un besoin de la communauté franco-ontarienne », déclare M. Gervais. « Cette minorité se sentait désorientée avec la montée du nouveau nationalisme québécois. »

Photo Tirée du site Web de la Société Historique du Nouvel-Ontario.

Photo tirée du site Web de la Société Historique du Nouvel-Ontario.

L’association des étudiants de l’Université Laurentienne, fondée en 1974, répond à ce besoin de symboles permettant d’incarner et d’affirmer l’identité de la communauté.

« Tout a commencé au sein d’un petit groupe, et la définition du drapeau a pris du temps » se souvient le professeur. « Les symboles assurent la cohésion identitaire. Nous pensions que si les gens souhaitaient se revendiquer comme Franco-Ontariens, ils devaient en avoir la possibilité. Cela n’a pas fait beaucoup de vagues; les quelques réactions à propos du drapeau étaient majoritairement positives. »

La création du drapeau vert et blanc – vert pour évoquer les forêts du Nord et blanc pour la neige hivernale – offre enfin un emblème rassembleur qui fait des adeptes dans toute la province au sein de différents groupes et régions.

« Au début, nous ne sortions le drapeau que quelques fois par an », se rappelle M. Gervais. « Nous ne nous attendions pas du tout à ce qu’il devienne aussi populaire. Bien sûr, c’était ce que nous espérions, mais son succès a confirmé qu’il était utile et qu’il permettait de fédérer les gens. »

Photo tirée du site Web de la Société Charlevoix.

Photo tirée du site Web de la Société Charlevoix.

Au cours des 15 dernières années, le combat pour sauver l’Hôpital Montfort (1997), la manière dont les enseignants l’ont adopté et la reconnaissance en tant qu’emblème officiel par Queen’s Park en 2001 ont marqué l’essor du drapeau franco-ontarien.

« Il est clair que le drapeau trouve un écho auprès de la population », avance M. Gervais. « Il a vraiment touché une corde sensible. »

Aujourd’hui, ce drapeau assume une signification et un rôle différents. Il continue d’incarner l’identité francoontarienne, mais il rappelle aussi à tout un chacun notre héritage français. Si le drapeau a marqué les esprits, ce n’est pas comme extension de la population francophone du Québec ni comme étendard d’une minorité distincte de l’Ontario, mais comme quelque chose d’intermédiaire. Porter haut ses couleurs nous rappelle notre passé et nous unit, afin de perpétuer cette tradition.

(Entretien avec M. Gervais a été conduit par Serge Dupuis, candidat au doctorat au Département d’histoire de l’Université de Waterloo. Texte tiré d’une publication de la Fiducie du patrimoine ontarien : Porter haut ses couleurs.)


Que pense le cocréateur du drapeau, Michel Dupuis?

Michel Dupuis qui hisse le drapeau franco-ontarien devant l'Université de Sudbury le 25 septembre 1975. Source : Sudbury Star. Tiré du site Web de l'Encyclopédie du patrimoine culturel de l'Amérique française.

Michel Dupuis qui hisse le drapeau franco-ontarien devant l’Université de Sudbury le 25 septembre 1975. Source : Sudbury Star. Tiré du site Web de l’Encyclopédie du patrimoine culturel
de l’Amérique française.

Quels souvenirs gardez-vous de ce 25 septembre 1975?

  • J’étais évidemment très fier parce que j’avais seulement 19 ans. Mais je vais avouer que j’avais extrêmement peur de lever le drapeau pour la première fois. En 1975, les relations entre les anglophones et les francophones n’étaient pas au mieux. J’étais inquiet à la fois des réactions des francophones et des anglophones. Le journal The Sudbury Star a publié un éditorial le lendemain qui était très critique et sévère à l’endroit du drapeau et Le Voyageur a retardé la publication d’un article sur le drapeau franco-ontarien. Je pense que Le Droit a été le premier journal à publier un article.

Pourquoi est-ce que c’était important de créer un drapeau franco-ontarien?

  • Tout comme le Québec subissait sa révolution culturelle dans les années 1960, l’Ontario français subissait sa propre révolution culturelle dans les années 70 avec l’émergence de groupes d’écrivains, de chansonniers et du théâtre franco-ontarien. La création du drapeau s’inscrit justement dans cette révolution culturelle.

En 1975, vous étiez étudiant. Le drapeau a été conçu avec votre professeur Gaétan Gervais. Quel rôle a-t-il joué?

  • J’ai suivi un cours d’histoire avec lui. Et tous les matins, on se réunissait au grand salon de l’Université Laurentienne pour prendre un café et pour régler les problèmes du monde. On aimait rêver! [Rires] Sauf qu’un bon matin, la discussion a porté sur le sort des francophones hors Québec et les ravages de l’assimilation. Et on a vite réalisé que les Acadiens avaient un drapeau, un symbole pour les identifier et que les Canadiens français n’avaient pas de symbole, de drapeau. On a décidé sur-le-champ d’en créer un.
Le co-créateur du drapeau franco-ontarien, Michel Dupuis, originaire de Sturgeon Falls, apprend du maire de North Bay, Monsieur Al McDonald, que la première étoile du nouveau Trottoir de la Renommée de North Bay lui sera consacrée. Source de la photo : Brian Orr. Tirée du site Web La Tribune, le journal communautaire du Nipissing Ouest.

Le co-créateur du drapeau franco-ontarien, Michel Dupuis, originaire de Sturgeon Falls, apprend du maire de North Bay, Monsieur Al McDonald, que la première étoile du nouveau Trottoir de la Renommée de North Bay lui sera consacrée. Source de la photo : Brian Orr. Tirée du site Web de La Tribune, le journal communautaire du Nipissing Ouest.

Comment fait-on pour créer un drapeau?

  • Un des critères qu’on voulait absolument respecter, c’est celui de la simplicité. Le succès d’un symbole est sa capacité de faire passer un message. On devait respecter ce critère-là, et c’est pour cette raison qu’on a choisi deux symboles et deux couleurs.

Qu’est-ce qui a permis à votre drapeau de connaître le rayonnement qu’on lui connaît aujourd’hui?

  • Il a été créé par deux individus. Il n’a pas été proposé par un gouvernement ou une association francophone. Si le drapeau existe aujourd’hui, c’est à cause de la communauté franco-ontarienne, qui a bien voulu l’accepter et l’adopter. Et si on va plus haut et plus loin, c’est aussi à cause de cette communauté qu’il est devenu le plus important symbole dans les annales de notre histoire.

Quelle est l’utilité du drapeau, 40 ans plus tard?

  • J’espère que le drapeau sera toujours pour nous une source d’inspiration en ce qui a trait à la survie de notre langue et de notre culture, non seulement pour notre génération, mais pour les générations à venir.

(Entrevue d’ICI Radio-Canada. )

40 ans plus tard, nous fêtons l’anniversaire du drapeau franco-ontarien!