Jean Nicollet
avril 15, 2015
L’apprentissage des langues
Le 15 mars 1617, Jean Nicollet s’engage auprès de la compagnie des Marchands pour passer en Nouvelle-France et y servir en qualité d’interprète. « Son humeur & sa mémoire excellente, écriront les Jésuites en 1642-1643, firent espérer quelque chose de bon de luy. » Selon la même source, le jeune interprète serait arrivé à Québec en 1618. Comme le souligne l’historien Marcel Trudel, il ne fait que passer. Les Papiers Nicolet, conservés aux Archives nationales du Canada, révèlent que, le 10 mai 1619, Jean Nicollet est en France, où il participe à la rédaction de l’acte de vente d’une terre qu’il possède à Hainneville, près de Cherbourg.
À son retour, « on l’envoya hiverner avec les Algonquins » de l’île aux Allumettes. C’est à cet endroit stratégique de la rivière des Outaouais que Nicollet s’initie à la langue de ses hôtes et aux misères de la vie en forêt. Il est parfois jusqu’à « sept & huit jours sans rien manger, il fut sept semaines entières sans autre nourriture qu’un peu d’écorce de bois. » Mieux encore, il se fait pacificateur : « il accompagna quatre cents Algonquins, qui alloient en ce temps là faire la paix avec les Hyroquois, & en vint à bout heureusement. »
La paix étant assurée entre les deux grandes nations, Nicollet « alla demeurer huict ou neuf ans avec la nation des Nipissiriens (Nepissingues) », rassemblés au lac Huron et à la baie Georgienne. D’une liaison avec une femme de cette nation naîtra, entre 1628 et 1633, Euphrasine-Madeleine, qu’il ramena plus tard dans la colonie.
À la recherche des Gens de Mer
La première et longue absence de Jean Nicollet s’achève, le 19 juillet 1629, avec la conquête de la colonie par les frères Kirke. Champlain n’étant plus là, Nicollet aurait rejoint les Hurons et les aurait persuadés de ne pas commercer avec les Anglais.
Divers événements survenus dans la vie professionnelle et personnelle de l’interprète permettent de situer vers cette époque – avant ou après la capitulation de la colonie – le moment où il aurait été « délégué pour faire un voyage en la nation appelée des Gens de Mer, & traiter la paix avec eux, & les Hurons. »
Accompagné par sept guides, Nicollet s’éloigne de la Huronie, en direction du sud-est et de la rivière des Français qui se déverse dans le lac Huron. Il longe ensuite la rive nord de ce lac jusqu’au sault Sainte-Marie qui le conduit sur les eaux du lac Supérieur où il rencontre ceux qu’il cherche : les Ouinipigous. Établi sur la rive nord du lac, ce peuple mène une existence sédentaire. Les Jésuites évoquent en ces termes : « Quelques François les appellent la Nation des Puans, à cause que le mot Algonquin ouinipeg signifie eau puante. Or ils nomment ainsi l’eau de la mer salée, si bien que ces peuples se nomment Ouinipigou, pource qu’ils viennent des bords d’une mer dont nous n’avons point de cognoissance, & par consequent il ne faut pas les appeler la nation des Puans, mais la nation de la Mer. »
Si près du Japon et de la Chine…
Délégué en ambassade auprès d’eux, Nicollet a pris soin de se munir d’une robe d’apparat et de deux pistolets propres à imposer le respect. Ses hôtes le surnomment « Manitouirinio », autrement dit l’homme merveilleux. Il n’a aucune peine à réunir de quatre à cinq mille hommes qui viennent festoyer et tenir conseil avec lui. La paix étant conclue entre Algonquins et Gens de Mer, la route de l’ouest est libérée.
Après le retour de Nicollet dans la colonie, avant l’été 1634, les Français persistent à croire que si leur ambassadeur « eust vogué trois jours plus avant sur un grand fleuve qui sort de ce lac […] il auroit trouvé la mer […] J’ay de fortes conjonctures, écrit le jésuite Paul Le Jeune, que c’est la mer qui respond au Nord de la nouvelle Mexique, & que de cette mer, on auroit entrée vers le Japon & vers la Chine. »
Le dernier voyage
Au mois de juillet 1634, Jean Nicollet quitta Trois-Rivières à la tête d’une expédition de 150 canots qui se rendait en Huronie. Il y laissa trois missionnaires, dont le père Jean de Brébeuf. Quelques semaines plus tard il était de retour à son point de départ où Champlain l’aurait rencontré, le 3 août.
Jean Nicollet s’est établi aux Trois-Rivières. En 1637, il a obtenu la concession d’une terre près de ce poste et celle d’un fief en copropriété avec Olivier Le Tardif. Il avait épousé Marguerite Couillard, qui lui donna deux enfants.
Le découvreur du lac Supérieur, l’homme qui avait « le plus avant pénétré dedans ces pays si esloignés » ne savait pas nager. Il est mort devant Québec, au mois d’octobre 1642 : « Le 29 octobre, on fit les cérémonies funéraires de M. Nicollet et de trois hommes de M. de Chavigny, noyés dans une chaloupe lorsqu’ils allaient de Québec à Sillery ; leurs corps ne furent point trouvés. »
Article tiré du Musée canadien de l’histoire.
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