La conscription
octobre 11, 2015
En 1917, le gouvernement du Premier ministre sir Robert Borden, cherchant à accroitre la contribution canadienne dans l’effort de guerre, vient avec l’idée du service militaire obligatoire pour les jeunes hommes. Ce débat divisa la société en deux parties, d’un bord les Canadiens anglais qui étaient en faveur de la conscription et de l’autre, ceux qui s’y opposaient, notamment les Canadiens français et certains immigrants.
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Un débat très important
Le débat sur la conscription en 1917 fut l’un des plus violents de l’histoire politique du Canada, et l’un de ceux qui furent le plus source de divisions. Les Canadiens français, ainsi que nombre d’agriculteurs, de syndiqués, d’immigrants non britanniques et d’autres Canadiens, s’opposaient généralement à cette mesure. Les Canadiens anglophones, avec à leur tête le Premier ministre Borden et les principaux membres de son Cabinet ainsi que les immigrants britanniques, les familles de soldats et les Canadiens plus âgés, étaient généralement en faveur.
Le débat sur la conscription se fit l’écho de divisions publiques sur beaucoup d’autres sujets contemporains, dont la langue d’enseignement, l’agriculture, la religion et les droits politiques des femmes et des immigrants. Il devint également un test de l’appui, ou de l’opposition, à la guerre en général. Aux accusations de déloyauté, de lâcheté et d’immoralité des partisans acharnés de la conscription, on répondait en leur reprochant d’être impérialistes, stupides et sanguinaires.
La violence de la campagne masqua parfois la complexité du débat. Beaucoup d’adversaires de la conscription soutenaient pleinement la guerre, par exemple, tandis que les partisans de la conscription ne défendaient pas tous leur cause en faisant usage de diffamation linguistique ou raciale pour rabaisser leurs adversaires.
La conscription l’emporte
Le débat sur la conscription fit rage pendant la plus grande partie de 1917, et jusqu’en 1918. La loi nécessaire, la Loi du Service Militaire, fut débattue au Parlement pendant l’été et fut adoptée à la fin d’août. Elle prévoyait que tous les citoyens de sexe masculin de 20 à 45 ans seraient tenus de faire leur service militaire, s’ils étaient appelés, jusqu’à la fin de la guerre.
La conscription fut le thème principal des élections fédérales qui suivirent en décembre, combat virulent entre le conservateur-unioniste sir Robert Borden et le libéral sir Wilfrid Laurier. Borden, à la tête d’une liste proconscription « unioniste » qui avait attiré bon nombre de libéraux anglophones, gagna de façon décisive, mais perdit nettement dans les secteurs francophones du Québec.
La Loi des élections en temps de guerre modifie le droit de vote
Le gouvernement avait contribué à sa future victoire électorale par une loi adoptée à l’automne qui accordait le droit de vote à des alliés probables et l’enlevait à des adversaires probables.
La Loi des élections en temps de guerre donnait le droit de vote aux épouses, mères et sœurs de soldats. Ce sont les premières femmes qui eurent le droit de voter lors d’élections fédérales au Canada. Ces femmes tendaient à favoriser la conscription parce qu’elles soutenaient leurs hommes au combat.
La Loi refusait en outre le droit de vote à de nombreux immigrants récents originaires de pays ennemis, sauf si un membre de leur famille était dans les forces armées. En même temps, la Loi des électeurs militaires accordait le droit de vote à tout le personnel militaire ainsi qu’aux infirmières, quelle que fût la durée de leur période de résidence au Canada.
La majorité de Borden en décembre fut supérieure aux votes obtenus grâce à ces mesures controversées, mais chacune avait amplement atteint son objectif. Plus de 90 pour cent des votes militaires, par exemple, allèrent aux unionistes.
Résultats de la conscription
La conscription, mesure plutôt populaire mais source de division, polarisa les provinces, les groupes ethniques et linguistiques, les communautés et les familles, et eut des effets politiques durables sur le pays dans son ensemble. Pour beaucoup de Canadiens, ce fut une contribution importante et nécessaire à un effort de guerre chancelant; pour d’autres, ce fut une loi opprimante adoptée de façon malhonnête par un gouvernement plus britannique que canadien.
Des agriculteurs demandèrent jusqu’à la fin de la guerre à être exemptés du service militaire en raison de leur travail. Le gouvernement Borden, qui tenait aux voix des agriculteurs, accepta des exemptions limitées, en grande partie pour les fils des agriculteurs qui travaillaient, mais rompit sa promesse après les élections. L’amertume des agriculteurs, dont beaucoup étaient dans l’Ouest, conduisit à la naissance de nouveaux partis fédéraux et provinciaux.
Les Canadiens de langue française continuèrent à protester eux aussi, et des dizaines de milliers de jeunes hommes se joignirent à d’autres à travers le Canada pour refuser de s’inscrire au processus de sélection. Parmi ceux qui le firent, 93 pour cent demandèrent une exemption. Une tentative d’arrêter les conscrits réfractaires fut extrêmement impopulaire dans toute la province, allant jusqu’à provoquer des émeutes et des combats de rue à Québec qui durèrent plusieurs jours à Pâques 1918. La violence fit quatre morts et des dizaines de blessés chez les civils et choqua les partisans des deux camps.
La conscription n’eut qu’une incidence minimale sur l’effort de guerre du Canada. Au moment de l’Armistice, en novembre 1918, seuls 48 000 conscrits avaient été envoyés outre-mer, dont la moitié servirent au front. Plus de 50 000 autres conscrits demeurèrent au Canada. On aurait eu besoin d’eux si le conflit s’était poursuivi en 1919.