L’Ami du peuple
novembre 5, 2015
Jeune pays de colonisation, le Nord de l’Ontario ne comptait pas moins d’une demi-douzaine de journaux avant même le début des années 1930, le premier d’entre eux, La Colonisation, ayant vu le jour à Sturgeon Falls en 1894. Au lendemain de la crise du Règlement XVII, on voit apparaître encore de nombreux journaux dont le parcours sera plus ou moins long, certains jouissant d’une très longue existence, d’autres ne vivotant que pendant quelques années, voire quelques mois.
Dans le Moyen-Nord, Le Nouvel-Ontario, fondé en 1924 à Sturgeon Falls avant d’élire domicile à Sudbury, continuera de faire son petit bonhomme de chemin jusqu’à ce qu’il soit rayé de la carte en 1935. Les Franco-Sudburois devront attendre le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale pour qu’un autre hebdomadaire en prenne la relève. En 1942, l’année du référendum fédéral sur la conscription militaire, Camille Lemieux fonde L’Ami du peuple. Ce nouveau journal naît de la riposte des milieux nationalistes de tout le Canada français à l’effort de guerre du gouvernement d’Ottawa.
Le journal, qui connaît son apogée vers le milieu des années 1950, se proclame clairement catholique et canadien-français. Après plusieurs années de vaches maigres, L’Ami du peuple, devenu le Bulletin du Centre de la culture française, s’éteint en 1968, incapable de soutenir la concurrence que lui fait, depuis 1963, L’Information.
Camille Lemieux – fondateur de L’Ami du peuple
Camille Lemieux naît en 1917 à Saint-Charles, petit village agricole et bien canadien-français situé à proximité de Sudbury. Durant les années 1930, il complète ses études classiques au Collège du Sacré-Coeur de Sudbury. Bien qu’il ne soit déjà plus étudiant au moment où François Hertel (Rodolphe Dubé, de son vrai nom) y séjourne en 1941 et en 1942, il a tout de même l’occasion de faire la connaissance de cet intellectuel nationaliste controversé. D’ailleurs, Hertel l’encouragera fortement dans son projet de journal.
Personne ne se méprend sur l’idéologie que véhicule L’Ami du peuple. Camille Lemieux est un grand admirateur d’Henri Bourassa et du chanoine Lionel Groulx et défend vigoureusement, comme eux, la thèse des deux peuples fondateurs du Canada. Dans le contexte politique agité de la Deuxième Guerre mondiale, il joint sa voix à celles des grands ténors du mouvement nationaliste canadien-français pour critiquer sévèrement l’effort de guerre du gouvernement libéral de Mackenzie King. Lemieux est aussi un fervent propagandiste des deux formations politiques mises sur pied pour combattre la conscription militaire, soit la Ligue pour la défense du Canada et le Bloc populaire canadien. Il occupera d’ailleurs le poste de secrétaire du comité bloquiste de Sudbury.
Camille Lemieux rend l’âme prématurément en 1955, à l’âge de 37 ans, victime d’une phlébite et, sans doute, du surmenage.
Texte tiré du Centre de recherche en civilisation canadienne-française.