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Pierre Potier

avril 22, 2015

Plaque commémorative du Père Potier, sur la rive sud du Détroit (aujourd'hui Windsor, Ontario). Source : Encyclopédie du patrimoine culturel de l'Amérique française

Plaque commémorative du Père Potier, sur la rive sud du Détroit (aujourd’hui Windsor, Ontario). Source : Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française

De 1721 à 1727, Pierre-Philippe Potier fit ses études au collège de Tournai (Belgique) et, de 1727 à 1729, à Douai, France. Le 30 septembre 1729, il entra au noviciat de Tournai. Après une année de lettres (1731–1732) à Lille, France, il enseigna six ans au collège de Béthune. En 1738, il entreprit ses études de théologie au scolasticat de Douai, qu’il termina en 1742 ; puis il se rendit à Armentières pour le Troisième An et prononça ses derniers vœux à Tournai, le 2 février 1743.

Parti de La Rochelle sur le vaisseau du roi, Rubis, le 18 juin 1743, Potier atteignit Québec le 1er octobre, séjourna huit mois à la mission huronne de Lorette pour y apprendre la langue, quitta Québec le 26 juin 1744 et atteignit sa destination définitive, la mission huronne de l’île aux Bois-Blancs, à l’embouchure de la rivière Détroit, le 25 septembre 1744. À ce moment, le supérieur en était le père Armand de La Richardie, qui occupait ce poste depuis 1728. Deux ans plus tard, la maladie ayant forcé La Richardie à quitter la mission, Potier en garda seul la responsabilité. Il dressa la liste des 33 cabanes huronnes de sa mission, divisée en deux villages – le Petit Village (19 cabanes) et le Grand Village (14 cabanes) – en indiquant le nom des chefs de cabane et le nombre d’occupants. Il transcrivit une liste complète de tous les baptisés depuis l’année 1728 et incorpora quelques livres de comptes de la mission ainsi que des renseignements divers dans ses nombreux cahiers de notes.

Carte du Détroit, 1764. Région de la rivière de Détroit où se trouvait Potier lors de la rédaction de son lexique. Source : L'encyclopédie du patrimoine culturel de l'Amérique française.

Carte du Détroit, 1764. Région de la rivière de Détroit où se trouvait Potier lors de la rédaction de son lexique. Source : L’encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française.

Lorsque, au mois de mai 1747, la mission de l’île aux Bois-Blancs fut détruite par un parti de Hurons de la bande à Nicolas Orontony J, La Richardie revint pour une courte période et décida de transférer le village huron et la mission à La Pointe de Montréal (qui fait aujourd’hui partie de Windsor, Ontario). De 1755 à 1759, Potier bénéficia de l’aide du père Jean-Baptiste de Salleneuve. Suivant la coutume, l’un des missionnaires accompagnait les bandes huronnes en hivernement, habituellement à Sandoské (Sandusky, Ohio), sur la rive sud-ouest du lac Érié.

Durant les années qui suivirent la Conquête, Potier prit également en charge les habitants français établis sur la rive gauche de la rivière Détroit. À partir de 1767, année de la fondation de la paroisse Notre-Dame-de-l’Assomption, jusqu’à sa mort en 1781, Potier exerça son ministère auprès des Hurons et des Français, comme curé de la paroisse, la plus ancienne en Ontario.

Facsimilé du lexique du père Potier. Source : Encyclopédie du patrimoine culturel de l'Amérique française.

Facsimilé du lexique du père Potier. Source : Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française.

Malgré l’isolement et les circonstances, son activité intellectuelle demeura intense. Il consacra beaucoup de temps à la lecture d’ouvrages divers, dont il transcrivit des parties considérables conservées dans des cahiers de notes personnels dont la moitié environ subsiste encore. Les 22 cahiers conservés aux archives du séminaire de Québec comprennent des notes de cours, des écrits divers, en latin ou en français, concernant la théologie, la philosophie, les sciences, l’histoire des religions, les conciles, des ouvrages de piété, des exercices du noviciat et un dictionnaire. Cinq manuscrits aux archives de la Compagnie de Jésus, province du Canada français (Saint-Jérôme), concernent la langue huronne : « Radices linguae huronicae » ; « Elementa grammaticae huronicae » ; « Sermons en langue huronne » ; « Extraits de l’Évangile » ; « De religione », auquels s’ajoutent divers fragments (cabanes huronnes, noms hurons, personnages, renseignements géographiques). Trois autres manuscrits traitent de matières diverses l’un s’avère un précis élaboré du Spectacle de la nature, de Noël-Antoine Pluche, un second a trait aux affaires de la mission (registre de baptêmes, mariages, décès, livres de comptes), le troisième regroupe des notes personnelles sous le titre de « Gazettes » et comprend des itinéraires de voyage, des lettres reçues et expédiées, des chronologies. Enfin, aux archives de la Bibliothèque de la ville de Montréal, deux manuscrits ont trouvé refuge : « Façons de parler proverbiales, triviales, figurées, &c des Canadiens au xviiie siècle » et « Vocabulaire huron-français ».

Les notes recueillies par Potier dans « Façons de parler proverbiales », forment le premier et le seul lexique du français parlé en Nouvelle-France à la veille de la Conquête. De 1743 à 1758, Potier a consigné environ un millier de mots et d’expressions entendus au hasard des conversations même si la majorité des particularités relevées concernent le parler français, bon nombre d’amérindianismes émaillent aussi son recueil. Ce document s’avère donc, à cause de son ancienneté et de l’abondance des matériaux qu’il contient, une source d’une valeur inestimable pour l’étude de l’histoire de la langue au Québec.

Texte tiré du Dictionnaire biographique du Canada.